FAITS D’HIVER
Sylvain mourut le 2 janvier, inaugurant une véritable ère glaciaire.
L’hiver 2013, qui avait débuté en octobre — chose rarissime dans le
Sud-Ouest où les arrière-saisons sont d’ordinaire clémentes — semblait
ne jamais devoir s’arrêter. Février, mars, puis avril, battirent tous
les records d’intempéries de ces dix dernières années. « Le temps est en
harmonie avec mes états d’âme » me disais-je, tandis que la tempête
battait les vitres, transformant le paysage en une litho de Dürer :
ciels tourmentés, carcasses d’arbres tordues par l’ouragan, éclairs
aveuglants, sombres horizons.
Histoire d’être moins seule, je guettais les messages de Castor Tillon,
toujours fidèle au poste, si bien que nous prîmes l’habitude de passer
nos soirées à chatter sur l’écran. On s’envoyait des morceaux de
musique, des extraits de films, des confidences, parfois. Et, bien sûr,
des bons mots. Vers minuit, nos adieux s’agrémentaient de « bisous »
tarabiscotés, dans toutes les polices disponibles sur le Net ; c’était à
qui posterait les plus spectaculaires, et, vu mon incurie
informatique, il gagnait toujours. Durant les mornes semaines où,
recluse chez moi, je tentais en vain d’écrire, de lire, de me gaver de
vieux feuilletons pour contrer l’absence de Sylvain, ces rendez-vous
virtuels prirent petit à petit une importance primordiale. Ils étaient,
comment dire ? ma bouffée d’oxygène, mon repère, mon point d’appui. Mon
p’tit rayon de soleil dans la grisaille ambiante.
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