LA MORT QUI VIENT
LA MORT QUI VA
LA MORT VÉCUE
LA MORT VISIBLE
BOIT ET MANGE À MES DÉPENS
Paul Éluard
(Notre mort)
S’ensuivit, pour
Sylvain, une vertigineuse descente aux
enfers. Ce chantre — que dis-je ? ce militant de la liberté, se
retrouva, du jour au lendemain, prisonnier des multiples contraintes
liées au traitement. Médocs, visites
bi-quotidiennes des infirmières à domicile, éprouvantes séances de
chimio, de radiothérapie ; opérations, anesthésies, piqûres et tout le
toutime. Bref, ayant pris en grippe ce
corps qui l’avait trahi, il lui rendit, en quelque sorte, la
pareille. Lui qui était la vitalité même — santé éblouissante, force
colossale, appétit d’ogre — cessa de s’alimenter et ne me
toucha plus. Pour cet ex-bon vivant, toute sensualité était devenue
maudite. Il ne différenciait plus le plaisir de la douleur, rejetant
l’un et l’autre comme une dégradation. J’ai lu
quelque part que les victimes de tortures ressentent souvent cela,
ce dégoût absolu de leur propre chair. La dysmorphophobie, ça
s’appelle, je crois…
Moi, en revanche,
je continuais à me sentir invulnérable.
Mieux : face au délitement de l’homme que j’aimais, je m’érigeais en
bouclier, en citadelle. L’amour est le rempart des mères et des
amantes. Leur carapace. Leur armure. La mienne,
bien qu’illusoire, me paraissait sans faille, naïve que j’étais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un chtit mot