mardi 18 octobre 2016

LE BEL ÉTÉ 6





















                 UN RÊVE, PAR LA SUITE, VINT POLLUER MES NUITS…             

                  Il débutait par un souvenir imprimé au fer rouge dans ma mémoire. Celui de ce soir d’hiver où, après plusieurs heures d’agonie, Sylvain avait enfin lâché la barre. Je m’étais opposée à son transfert à l’hôpital — sachant que rien ne l’effrayait davantage mais qu’il n’était plus en mesure de le faire savoir. Sous morphine depuis la veille, il somnolait dans les coussins du canapé, près de ses chiens. Le feu crépitait entre les chenets, une pluie serrée cinglait les vitres côté ravin. La vieille horloge comtoise, réparée à grands frais, égrenait les minutes — quand elle ne sonnait pas les heures. Assise devant la cheminée, je pianotais sur mon clavier. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? La mort, à l’évidence, rôdait autour de nous. Quand Sylvain bascula, je me précipitai pour le prendre dans mes bras. Sa joue se retrouva collée contre la mienne tandis que progressivement, sa respiration, tout d’abord sifflante, prenait un rythme saccadé, de plus en plus haletant jusqu’au râle final. Je balbutiais des paroles sans suite, qui se voulaient apaisantes mais n’étaient, en fin de compte,  que l’expression de ma propre peur. Soudain — et l’onirique, ici, se substitue au réel —,  un spasme le raidissait et, de sa bouche entrouverte, s’échappait comme une buée pourpre, à l’odeur violemment organique, qui nous nimbait quelques instants, puis, par l’oreille, je pense, s’engouffrait dans ma tête où elle pondait un œuf.
                  Niaise métaphore, m’objecterez-vous ; mais ne le sont-elles pas toutes ?  





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