UN RÊVE, PAR LA SUITE, VINT POLLUER MES NUITS…
Il débutait par un souvenir imprimé au fer rouge dans ma mémoire. Celui
de ce soir d’hiver où, après plusieurs heures d’agonie, Sylvain avait
enfin lâché la barre. Je m’étais opposée à son transfert à l’hôpital —
sachant que rien ne l’effrayait davantage mais qu’il n’était plus en
mesure de le faire savoir. Sous morphine depuis la veille, il somnolait
dans les coussins du canapé, près de ses chiens. Le feu crépitait entre
les chenets, une pluie serrée cinglait les vitres côté ravin. La vieille
horloge comtoise, réparée à grands frais, égrenait les minutes — quand
elle ne sonnait pas les heures. Assise devant la cheminée, je pianotais
sur mon clavier. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? La mort, à l’évidence,
rôdait autour de nous. Quand Sylvain bascula, je me précipitai pour le
prendre dans mes bras. Sa joue se retrouva collée contre la mienne
tandis que progressivement, sa respiration, tout d’abord sifflante,
prenait un rythme saccadé, de plus en plus haletant jusqu’au râle final.
Je balbutiais des paroles sans suite, qui se voulaient apaisantes mais
n’étaient, en fin de compte, que l’expression de ma propre peur.
Soudain — et l’onirique, ici, se substitue au réel —, un spasme le
raidissait et, de sa bouche entrouverte, s’échappait comme une buée
pourpre, à l’odeur violemment organique, qui nous nimbait quelques
instants, puis, par l’oreille, je pense, s’engouffrait dans ma tête où
elle pondait un œuf.
Niaise métaphore, m’objecterez-vous ; mais ne le sont-elles pas toutes ?
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