dimanche 16 octobre 2016

LE BEL ÉTÉ 4





















                               FLASH BACK (SUITE)


         Le décor est planté ;  venons-en aux acteurs : un couple débarqué dix ans plus tôt dans ce minuscule village du Tarn. Lui — Sylvain — la quarantaine épanouie, et si beau que toutes les femmes se retournaient sur son passage.  Elle — c’est-à-dire moi —, nettement plus âgée, auteure comblée de quelque trois cents livres fantastiques ; ayant tous deux fui le chaos parisien pour un retour à la nature  dont ils estimaient, sans doute à juste titre, qu’il couronnerait vingt ans de vie commune et deux carrières bien remplies.
         — Dans un décor pareil, j’écrirai mes meilleurs romans, affirmait-elle.
         (Leur nid d’aigle, une bastide médiévale perchée sur un à-pic rocheux de trois cents mètres, dominait, de toute part, des coteaux verdoyants.)
        — J’ouvrirai une galerie, se réjouissait-il. On y trouvera des ouvrages rares, des objets insolites ; un cabinet des curiosités, pourquoi pas ?  Et les œuvres des artistes locaux.
         Bref, les projets ne manquaient pas.
          Durant l’heureuse décennie qui avait suivi, certains d’entre eux  s’étaient concrétisés. Cette grange du XVIème siècle dont la restauration avait, saison après saison, mobilisé toutes ses énergies à lui, par exemple. Ou cette saga d’humour vaguement arthurienne dans laquelle elle s’était lancée à corps perdu et qui remportait un gentil succès.
         Ça baignait, quoi.
         Les villageois  avaient, sans réticence, adopté ces hurluberlus  à la niake communicative, d’autant qu’au fil du temps, la fille de l’une et le frère de l’autre s’étaient installés à proximité  — or cette famille-là débordait de joie de vivre…
         Qu’ajouter à l’idyllique tableau, sinon  que rien, alors,  ne semblait devoir l’altérer ?
         Etrange sensation que celle d’une éternité lente, immuable, d’où toute ombre semble exclue à jamais.  Le bonheur  confère à ses adeptes une sorte d’invincibilité gouailleuse. Ils étaient — nous étions — dans cet état d’esprit quand la laide maladie s’attaqua à Sylvain.





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