QUINZE JOURS DÉLICIEUX
Oui, délicieux, je
persiste et signe. Une sorte de deuil
buissonnier. Nous discutions de tout, de rien, de pas grand-chose,
sans que, par un accord tacite, il soit jamais question des douleurs qui
précèdent. Castor ne pratiquait pas l’apitoiement
pesant ; je l’en ai béni maintes fois. En revanche, j’eus plus de
fous-rires, pendant ce petit break, que durant, sans doute, tout le
reste de ma vie.
Entre deux averses,
nous allions rendre visite à mes
petits-enfants, Maya et Alix, qui avaient adopté d’emblée ce
grand-père intérimaire au surnom de rongeur, toujours prêt à les faire
sauter sur ses genoux ou à leur jouer un air de guitare.
Nous fîmes, avec eux et ma fille Mélanie, quelques mémorables
balades en forêt, dans une humidité à couper au couteau, et de rares
piqueniques sur les espaces verts qui agrémentaient le
village.
Généralement chassés par l’ondée, on courait tous se réfugier
au Roc café où l’aventure s’achevait devant un chocolat brûlant.
Le soir, notre
tête-à-tête au coin du feu se prolongeait
souvent très tard, et pour cause : à notre insu — ou pas ; se
targuer d’innocence à soixante ans passés serait du dernier
grotesque —, le désir avait fait son apparition.
Mais même sous la torture, ni l’un ni l’autre ne l’aurait avoué.
Outre sa grande pudeur, Castor, j’imagine, ne se sentait pas le courage
d’étreindre une brûlée vive. Quant à moi, si j’avais
osé un geste, un mot déplacé, j’aurais eu l’impression de profaner
un cimetière. Nous nous quittions donc sur un chaste « bonne nuit »
avant de gagner chacun notre chambre, un peu
penauds mais la conscience en paix.
— Toi, tu t’es encore fait du cinéma
et tu ne l’assumes pas, me grondait gentiment ma fille, le lendemain
matin, en me voyant promener mes chiens, l’air
déconfit.
Du cinéma, oui, oh que oui ! Sur l’écran noir de mes nuits blanches…
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