jeudi 25 août 2016

ROSE 116

 


ÉTIENNE (BIS)

Après le repas :
— Va donc rendre une petite visite aux Lambermont pendant que je couche tes fils, dit tante Ida.
— Tu crois ? hésite Rose.
     — Je ne crois pas, je suis sûre. Nous, on a prévu une bataille d’oreillers, n'est-ce pas les enfants ? Et on n'a pas besoin d'une rabat-joie.
— Ouiii, va-t'en, maman ! piaffe Grégoire, tandis qu'Olivier s'égosille en écho :
— Atamama !
Dûment mise à la porte, Rose s'exécute en se demandant pourquoi diable elle n'est pas venue directement ici au lieu d'aller s'enterrer à Bruxelles.
— Quand je pense qu'Ida est la sœur de ma mère, marmonne-t-elle, tout en traversant le jardin envahi par les ombres bleues du crépuscule. Deux êtres plus différents, ça ne doit pas exister. 
Le trou qu'elle avait creusé, gamine, dans la haie — pour ne pas utiliser le portail de la grand-route, trop dangereux à son goût —, existe toujours. Une petite barrière le ferme, à présent. Elle donne directement sur le chemin de terre, pompeusement dénommé "rue Gaillard-cheval", qui longe l'ancienne briqueterie reconvertie en champ de luzerne. La première maison à droite, c'est celle des Lambermont. Que de fois, au lever du jour, Rose s'est plantée sur le seuil, la tartine à la main, en criant à tue-tête :
— Etieeeeenne, tu viens jouer ?
         Les rideaux de l'étage s'écartaient alors sur une tignasse ébouriffée, et une voix pâteuse ânonnait:
— C'est bien trop tôt !
— Trop tôt pour aller jouer ? s'indignait Rose, à qui les vacances semblaient toujours trop courtes.
         Parfois, Etienne se rendormait, et Rose en était réduite à l'attendre, assise sur le gazon, en regardant passer les hirondelles. Mais la plupart du temps, il venait la rejoindre et ils partaient, main dans la main, se promener dans les prés scintillants de rosée, toujours escortés de Kiki, le petit zineke* des Lambermont.
— Etienne et Kiki, c'est Tintin et Milou, disait souvent Rose.
Quand son chien est mort, Etienne a pleuré comme, sûrement, aurait pleuré Tintin s'il avait eu le malheur de perdre Milou.

                                                     * Zineke : bâtard en bruxellois


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