UNE PAGE SE TOURNE
Dans l'avion qui l'emporte vers un nouveau destin, Rose tente en vain de démêler l'écheveau de ses sentiments. Tout a été si rapide. Le départ de ce pays où elle avait creusé son nid lui semble appartenir au domaine du jeu. De la simulation. Elle ne peut pas réellement avoir fait ça ! Lorsqu'on a une once de bon sens, quitte-t-on ceux que l'on aime, son pays, sa maison, son travail — bref les quatre points cardinaux de sa vie — ainsi, sur un coup de tête ? Tourne-t-on, pour une raison aussi futile, le dos à son bonheur ?
« Je suis folle, se répète-t-elle, une fois de plus. Folle à lier. »
Près d'elle, Grégoire sur les genoux, Amir sourit. Depuis que Rose, impulsivement, a annoncé : « On part ! », déclenchant le processus qui maintenant la dépasse, il arbore cette expression d'homme comblé.
« Folle de lui… » rectifie-t-elle, émue.
À
la réflexion, est-ce vraiment la passion ravageuse de Mona qui a motivé
sa décision, ou cette "fuite" n'était-elle qu'un prétexte ? Une fausse
bonne raison pour tout abandonner et repartir à zéro, comme le
souhaitait son mari ? Ce coup de tête qu'elle se reproche, à présent,
était-il autre chose qu'une immense preuve d'amour ?
Le
nez collé au hublot, joue à joue, Grégoire et Amir contemplent la mer
de nuages. Après avoir longuement rechigné, Olivier s'est endormi sur
l'épaule de sa mère.
« Bah, du moment que nous sommes tous les quatre », se dit Rose, en couvant sa famille des yeux.
Et
elle s'efforce, elle aussi, de sourire. Mais ses lèvres tremblent car,
en arrière-plan, se profilent le souvenir des larmes d'Omane, le regard
plein d'incompréhension de Julie, Rachad, Nadège-la-silencieuse, le
jardin en fleurs, les petites rues de Zouk. Et l'horizon bleu du Liban
s'estompant peu à peu dans la brume…
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