samedi 18 juin 2016

ROSE 50

 

                                LE CONFLIT S’INTENSIFIE

Deux personnes, cependant, semblent imperméables aux affres collectives : Rachad et Omane. Comme À quelque chose malheur est bon (dixit l'inénarrable Suzanne Vermeer) Rose avait espéré, en son for intérieur, que la situation politique les réunirait à nouveau. Se serrer les coudes dans l'adversité, c'est le propre d'une famille, n'est-ce pas ? Quand la vie est en jeu, les autres considérations passent au second plan… Espoir déçu, hélas : dans le hurlement des Mirages comme sous l'azur clément, les parents de la petite Nadège demeurent recroquevillés dans leur douleur, derrière les hauts murs qui les isolent du monde.
        

                                                                 *
          

Le 8 juin au soir, alors que Rose et Amir s'apprêtent à dîner, des coups de klaxon précipités leur parviennent de la rue.
— Qu'est-ce que c'est encore ? bondit Rose, sur le qui-vive.
Elle a les nerfs à fleur de peau. Toute la journée, Migs syriens et Phantoms israéliens ont survolé Zouk en alternance, tels de sinistres oiseaux de proie.
— Ne bouge pas, je vais voir, dit Amir.
Il sort, revient au bout de quelques minutes.
— C'est la police. Ils veulent qu'on occulte toutes les fenêtres.
Exclamation étouffée de Rose :
— Pourquoi ? Ils… ils craignent une attaque du village ?!
— Mais non, voyons : simple mesure de précaution. Nous ne sommes qu'à une vingtaine de kilomètres de Beyrouth.
Déjà, il cherche nappes, torchons, serviettes à punaiser sur les chambranles, afin qu'aucune lumière en transparaisse à l'extérieur. 
— C'est provisoire, précise-t-il. Demain, j'irai acheter du papier noir à scotcher sur les vitres.
Une fois l'opération terminée.
— J'étouffe, dit Rose. J'ai l'impression d'être dans un bunker.
— Sitôt qu'on aura éteint, on les retirera, la rassure Amir.
— Alors, éteignons tout de suite  : je préfère encore le manque de lumière au manque d'air.
— Si tu veux de l'air, va au jardin !
— Excellente idée. La lune, au moins, on ne l'occultera pas…
Ni une ni deux, elle couche Grégoire dans le hamac — où il s'endort aussi sec —, et amène le berceau d'Olivier sur la terrasse. Jusqu'à des heures indues, ils resteront dehors, à contempler les étoiles dans l'ombre. Car, avec la nuit, la ronde infernale des avions s'est calmée.
Ce n'est qu'une trêve, hélas. Qui sait ce que leur réserve demain ? 
— On aimerait que le jour ne se lève jamais, dit Rose.
Mais, déjà, les premières lueurs de l'aube pointent à l'horizon.



2 commentaires:

Laissez un chtit mot