LE DEVOIR DE BONHEUR
Soyons heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple.
Jacques Prévert
Rendons à César ce qui est à Césarine : quelqu’un d’autre, me fut, dans ce domaine, d’un grand secours. Un modèle a contrario, voyez ? L’archétype exact de ce que, à aucun prix, je ne voulais devenir.
Cette personne, d’une dizaine d’années mon aînée, se nommait Yolande ; Yolande Neruda. Il fallait la voir arpenter les rues d’un pas de zombie, tractée par son caniche haletant. Elle se rendait sur la tombe de son défunt mari deux à trois fois par jour et n’ouvrait la bouche que pour se plaindre — du temps, en général, surtout s’il était beau.
— Il fait lourd disait-elle, comme si, tel Atlas, elle portait toute la misère du monde dans son cabas.
Elle
ignorait, je pense, « le devoir de bonheur » que chacun de nous a
envers ceux qu’il aime (ou a aimés), et se faisait une gloire d’incarner
la souffrance sous son aspect le plus glauque. C’était sa conception de
la fidélité.
Je plaignais sincèrement sa descendance, qui débarquait chez elle à
tout bout de champ pour essayer de la distraire, puis s’en retournait
bredouille, la tête et la queue basses.— Laissez-la tranquille, avais-je envie de dire. Vous voyez bien que son deuil est sa seule raison d’être. En l’en dépouillant, vous la tueriez !
La vision de Yolande Neruda, à qui, inconsciemment, je me substituais, eût suffi, à elle seule, à me surmotiver. De sorte que ce fameux « devoir de bonheur » devint mon objectif majeur, mon but, mon point de mire, ma quête sacrée ; mon Graal.
Or, pour m’aider à le conquérir, ce Graal, qui était mieux placé que le doux Perceval qui partageait ma couche ?
Oui, hein ? Qui ? Ben personne.
RépondreSupprimerJoëlle, je considère que te contredire sur ce point serait une grave entorse à l'amitié qui nous unit.
SupprimerAussi abondé-je, cornegidouille, et opiné-je chaleureusement.
Merci.♥