EMPLIR D’ÉTOILES UN CORPS QUI TREMBLE
Au début des années quatre-vingts, j’avais écrit, dans une « Psychanalyse de la braguette » (ma rubrique mensuelle chez Fluide Glacial) : Le jour de la fin du monde, si je peux me blottir entre les bras d’un homme, j’en aurai rien à battre du Grand Chambardement. Bon, des bras d’homme — et quel homme ! — m’étant ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c’était le moment de mettre ce concept en pratique. Je pensai donc à la mort, et j’y pensai beaucoup. En permanence, même. Disparaître avant de n’être plus (qu’un légume, une épave, un objet de répugnance, au choix) était devenu mon obsession. Mais bon, se flinguer, c’est pas facile, et ça demande un courage que je n’aurai jamais. Quant au suicide médicalement assisté, si nos voisins du Nord ont l’humanité de le pratiquer, même à dose homéopathique, ce privilège nous est refusé, à nous, Français. On en viendrait à souhaiter, aux obscurantistes qui nous gouvernent, les agonies les plus atroces afin que, se sentant directement concernés, ils ouvrent enfin les yeux sur celles de leurs électeurs.
« Ah, comme j’aimerais ne pas me réveiller ! » me répétais-je chaque soir. M’éteindre doucettement dans une étreinte très tendre, bercée par le chant des grenouilles. Que ma dernière vision soit un visage penché sur moi, illuminé par le plaisir ; et ma dernière sensation avant le néant final : « emplir d’étoiles un corps qui tremble, et tomber mort, brûlé d’amour, le cœur en cendre », selon la si jolie expression de Jacques Brel.
Parfois, ce vœu pieux (ou impie, suivant l’angle où l’on se place ) j’osais en faire part à Castor qui me répondait dans un sourire :
— Pourquoi veux-tu mourir entre mes bras alors que tu peux y vivre ?
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