LA MALADE ATTITUDE
J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour ma santé.
Voltaire
Comme toujours dans ce genre de situation, des âmes bienveillantes me dispensèrent moult conseils, allant des tisanes reconstituantes à l’aide psychologique, en passant par le magnétisme, l’acupuncture, le jeûne, la réflexologie, les régimes bio-alimentaires, les médecines alternatives, de préférence issues d’Extrême-Orient, et mille autres thaumaturgies de la même veine.
— Tu verras, m’affirmait-on, ça aidera ton foie, tes reins, tes intestins, ton sang, à combattre les effets néfastes de la chimio.
Certes,
toute cette sollicitude me touchait infiniment, mais la « malade
attitude », très peu pour moi. Comme rempart contre l’adversité, l‘amour
de Castor me suffisait. L’incroyable allégresse qui m’habitait
s’accompagnait d’une certitude de guérison qui ne laissait pas place au
doute. Rien de vasouillard, rien de forcé ni d’artificiel, dans cette
intime conviction ; en fait, je n’y pensais même pas. Je ronronnais.
J’étais heureuse. La vie me souriait. Et mon corps chantait suffisamment
fort pour faire taire les malaises qui, en toute logique, eussent dû
l’affecter mais ne l’affectaient point.
J’avais,
comment dire ? le sentiment, jubilatoire de défier la mort, voyez ? De
lui faire un pied de nez — enfin, un pied de cœur. Sentiment partagé
par Castor, mais, en ce qui le concernait, plus déterminé, plus
combattif, je pense. Moins ludique, en tout cas. Il ne luttait pas à mes
côtés, il prenait les devants. Il affrontait le cancer à mains nues. Me
caparaçonnait de caresses. Dans la moiteur de l’étreinte, nos « je
t’aime » triomphants faisaient figure de cris de guerre.
« Derniers
feux », ironiserez-vous, goguenards que vous êtes. Mais croyez-en mon
expérience : certains couchers de soleil, même de simple routine, sont
parfois plus grandioses que des aurores boréales…
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