LES RUMEURS DE LA VIE
Un mois plus tard, Rose est toujours là. Et s'en porte bien.
Rachad, qui fait
régulièrement la navette entre les deux maisons, a quasiment transféré
tout le contenu de l'une dans l'autre — hormis les meubles, et
encore ! Le lit de Grégoire et le berceau d'Olivier ont pris place
dans la petite chambre chaulée, ainsi que la machine à écrire de Rose,
ses dossiers et ses documents. De sorte que celle-ci
continue son roman — mais vaille que vaille, histoire de dire que.
(Le cœur n'y est plus vraiment : question "face cachée", elle a eu sa
dose, et se demande si, en fin de compte, elle ne préfère
pas écrire des contes pour enfants, nettement moins glauques.)
Par ailleurs, si Rachad, au
cours de ses nombreuses allées-et-venues, a rencontré Mona Aoun, il
n'en a pipé mot, conformément aux directives de sa
belle-sœur. En revanche, il lui a conseillé avec fermeté de ne pas
remettre Grégoire à l'école jusqu'au retour d'Amir. — Inutile de
tenter le diable, a-t-il précisé, sans
entrer dans les détails.
Rose a obtempéré de bonne
grâce, trop contente d'être prise en charge, de sorte qu'à présent, du
matin au soir, le patio résonne de rires et de baragouins
d'enfants. S'y ajoutent, selon l'heure du jour, les jappements de
la chienne, les gronderies maternelles, les interpellations des femmes
entre elles — bref, les rumeurs de la vie —, de
sorte que s'éloigne, jusqu'à n'être plus qu'un mauvais souvenir, le
spectre du cloître muet où Rachad errait, comme dans un cimetière.
N'y manque que la voix mélodieuse d'Omane, car depuis la naissance de sa fille, la diva ne chante plus.
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