CE N’EST QU’UN AU REVOIR
« C'est la dernière fois… », se répétait-elle jusqu'au vertige.
Tous les épisodes de leur courte vie conjugale défilaient dans sa mémoire, teintés de l'intense regret de "ne pas en avoir assez profité". D'avoir gâché, par inconscience, des moments uniques qu'elle eût dû savourer à petites gorgées gourmandes, comme un nectar.
Bref,
ces heures précédant un voyage somme toute anodin ont pris, pour elle,
des allures de veillée funèbre. Cependant, par fierté, elle n'en laisse
rien paraître, si bien que lorsqu'Amir s'éveille aux aurores — lui non
plus n'a pas très bien dormi, mais pour de tout autres raisons —, il la
trouve active, fraîche, et même un tantinet maquillée (l'anti-cernes,
quelle belle invention !) De plus, elle chantonne.
— Tu as l'air en pleine forme, remarque-t-il.
Et elle, si désinvolte qu'elle en devient ridicule :
— Oh oui, je pète le feu.
Elle
attendra pudiquement qu'il soit parti pour s'effondrer. De sorte que,
en montant dans le taxi qui l'emmène à l'aéroport, il lui glisse à
l'oreille :
— C'est de te débarrasser de moi qui te rend si joyeuse ?
— Peut-être, répond-elle, méchante et héroïque. Que veux-tu, mon chéri, la liberté, ça grise !
C'est
cette curieuse image qu'il emportera d'elle : un petit visage crispé à
l'extrême, mâchoires serrées, nez froncé, œil humide, mais arborant un
large sourire de défi. Le visage d'une Rose inconnue…
*
Assise
au bord du lit où flotte encore l'odeur du Bien-Aimé, Rose sanglote.
Elle se sent seule à hurler. Grégoire est à l'école, Olivier dort.
Personne n'a besoin d'elle. Sa vie va à vau l'eau.
Soudain, un léger grincement. La porte, mal fermée, s'entrebâille, poussée de l'extérieur.
— Qu'est-ce que … ? sursaute-t-elle.
C'est Julie.
Bien
qu'elle n'ait pas le droit de monter dans les chambres, la chienne, si
docile d'ordinaire, a bravé l'interdit. Impavide, elle s'avance vers sa
maîtresse. Pose les pattes avant sur ses genoux. Lève le museau. Et,
gravement, lèche ses larmes.
Fabuleuse Julie <3
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