MARY POPPINS
— Écris, je me charge du reste, lui répète celle-ci à longueur de journée.
La tentation est grande ; Rose n'y résiste pas, et, insensiblement, se retrouve prise au piège.
Mais
peut-on réellement parler de "piège" ? Durant cette période sans Amir
qui devrait figurer parmi les plus pénibles de son existence, elle
découvre, ô merveille, les joies de la dépendance. Elle qui redoutait
tant la solitude est entourée comme jamais. Vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, on se préoccupe d'elle, on flatte ses penchants, on la
materne. On lui épargne la moindre corvée. On l'encourage à ne faire que
ce qu'elle aime… Quoi d'étonnant à ce que, dans ce contexte idéal, son
désir d'écrire prenne le pas sur la prudence ?
— Je commence un roman, décrète-t-elle un beau matin.
— Bravo ! Tu sais déjà ce que tu vas raconter ?
— Oh, ce ne sont pas les idées qui manquent. Je n'ai que l'embarras du choix.
— Mais encore ?
—
Ben… en gros, je voudrais me servir de ma propre expérience : une très
jeune fille mal dans sa peau se laisse séduire par un vieil artiste et
tombe enceinte…
— C'est autobiographique, alors ?
—
Au début seulement. Après, l'histoire vire au fantastique. Derrière le
masque jovial de l'homme se cache une entité effroyable qu’on va
découvrir peu à peu, tu vois ? La face obscure d'un être révélée
progressivement, au fil du quotidien… Mais je ne t'en dis pas plus, tu
découvriras la suite en temps et en heure.
— Ça a l'air passionnant, en tout cas. Je veillerai à ce que rien ni personne ne te dérange.
Mona
tient parole : la maison Tadros devient une tour d'ivoire. Rose
apprendra plus tard que Rachad est passé à plusieurs reprises mais s'est
heurté au refus catégorique de son "cerbère" :
— Votre belle-sœur est en pleine création, on ne peut la distraire sous aucun prétexte.
Vu l'attitude d'Omane, Rachad a mis cela sur le compte des représailles et n'a pas osé insister.
*
Lorsque Rose émerge, après des heures penchée sur sa machine, c'est pour entendre Mona chuchoter à Grégoire :
— Chut, pas de bruit, maman travaille !
Et le petit garçon, si turbulent de nature, répond docilement :
— Oui, Nana, sssut.
« Elle me l'a transformé, n'en revient pas Rose. Ma parole, c’est Mary Poppins ! »
Puis elle contemple sa maison, n'y décèle qu'harmonie, ordre et propreté.
« Elle a TOUT transformé… même moi. »
Et pas qu'un peu ! Malgré l'absence de son mari, Rose ne s'est jamais sentie aussi bien.
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