L’ACCIDENT
La récolte s'avère, au sens propre du terme, prodigieuse.
— Je ne pourrai jamais manger tout ça, proteste Rose, effarée.
— Et nous, on compte pour du beurre ? la taquine Rachad.
Contrairement à elle, il adore les oursins. Amir et Omane aussi. Comme accompagnement des samboussèks, ce sera parfait.
Une heure plus tard, rassasiés et même
bien au-delà, ils digèrent, allongés à même la roche, lorsque des
hurlements stridents leur parviennent.
— Grégoire ! bondit Rose, brutalement arrachée à sa béatitude.
Elle saute sur ses pieds, le cherche des yeux.
— Grégoire, où es-tu ?
Amir a été plus prompt qu'elle. En
trois enjambées, il a rejoint l'enfant qui jouait quelques mètres plus
loin, et le ramène dans ses bras.
Sur la petite jambe, une longue estafilade qui saigne abondamment…
— Mon Dieu, il s'est blessé, s'étrangle Rose. Donne-le moi !
Devant l'émoi de sa mère, Grégoire beugle de plus belle. Éperdue, elle le berce en retenant ses larmes.
— Mon bichon… Mon pauvre chéri… C'est tout, c'est tout, calme-toi. Montre-moi ton bobo.
— Prends une serviette pour arrêter l'hemorragie, intervient Omane.
— Nan ! trépigne Grégoire en se débattant comme un beau diable.
En vain sa mère tente-t-elle d'éponger la plaie.
— Je… je n'y arrive pas, finit-elle
par souffler. En plus, je lui fais mal.Tiens-toi tranquille, Grégoire,
nom d'un chien ! Comment veux-tu que je te soigne
?
La sentant à cran, Amir intervient :
— Laisse, je m'en charge. On va se débrouiller entre hommes, hein, fiston!
Il sépare doucement la mère de l'enfant et emporte ce dernier tandis qu'Omane entraîne sa belle-sœur.
— Mais, c'est à moi de m'occuper de mon fils, se défend celle-ci d'une voix rauque.
— Tttttt, tu es bien trop
impressionnable. Tu lui communiques ton angoisse. Aie confiance dans ton
mari : je le connais, il va arranger ça en un tournemain.
Pas si sûr. En dépit des exhortations
apaisantes d'Amir — « Allons, allons, ce n'est rien du tout. Juste une
égratignure. Un grand garçon comme toi ne pleure pas
pour si peu ! » —, les cris de Grégoire redoublent.
— Je vais lui filer un coup de main, s'empresse Rachad.
L'instant d'après, il réapparaît.
— Je crois qu'il vaudrait mieux l'emmener à l'hôpital.
Au mot "hôpital", Rose blêmit :
— C'est… c'est vraiment nécessaire ?
— A mon avis, oui. Il va avoir besoin de deux ou trois points de suture. L'entaille est très profonde.
— Il a dû glisser sur une roche coupante, commente Omane. Ce sont de vraies lames de rasoir, par endroit.
— C'est ma faute, s'effondre Rose. J'aurais dû le surveiller.
— Arrête, c'est notre faute à tous !
Le retour s'effectue dans une
ambiance fébrile. Abandonnant le matériel sur place, les deux couples
escaladent à la hâte les rochers, Amir en tête, portant son
fils.
— Où y a-t-il un hôpital ? halète Rose.
Bien que dopée à l'adrénaline, elle est si peu encline à ce genre d'exercice que ses forces la trahissent.
— À Jounieh, répond Omane. La clinique où j'ai fait mes examens.
— Pourvu qu'ils aient un médecin de garde, espère Rachad.
— Ça, malheureusement, rien n'est moins sûr.
Bonus : un extrait des commentaires lors du passage de "Rose" sur l'ancien blog. Ambiance...
Merci pour le bonus.
RépondreSupprimerLe temps où tous les esprits brillants étaient encore de ce monde, ma Titine.
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