TRAGÉDIE
Amir n'avertit pas, mais rentre une heure plus tard en compagnie de son frère, pâle comme la mort.
— Alors ? crie Rose qui pressent le drame.
Ce dernier outrepasse ses plus terribles craintes.
— Ma fille ne sera jamais normale, s'effondre Rachad.
Et tandis qu'il sanglote, le front entre les mains, Amir explique d'une voix rauque :
— La
petite est née avec le cordon ombilical autour du cou. Elle était
cyanosée et ne respirait pas. Pour bien faire, il aurait fallu la placer
sous une tente à oxygène, malheureusement la clinique n'est pas équipée
pour. Ils ont quand même fini par la ranimer, mais trop tard. Elle aura
sans doute des séquelles.
« C'est un cauchemar », pense Rose, horrifiée.
Hélas, non.
L'après-midi
même, laissant ses enfants à la garde de leur père, Rose repart avec
Rachad. En chemin, ils n'échangent pas un mot. On ne parle pas à un
écorché vif. On se contente d'être là, près de lui, à capter sa
souffrance. À se donner l'illusion — car la douleur, partagée ou pas,
demeure la même — d'atténuer son mal en se l'appropriant.
Dire
que lui et sa femme attendaient cette naissance comme un cadeau du
ciel. Dire que ce jour, sombre entre tous, aurait dû être l'un des plus
beaux de leur vie !
Devant
la clinique, Rose a les jambes qui flanchent. Affronter l'épreuve est
au-dessus de ses forces. Elle cherche le regard de son beau-frère, pour y
puiser le courage d'entrer — alors qu'elle ne désire qu'une seule chose
: être ailleurs. Mais les yeux de Rachad sont vides et son visage fermé
à double-tour.
D'un effort surhumain, Rose pousse la porte vitrée.
Comment soutenir l'insoutenable ?
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