mardi 17 mai 2016

ROSE 18


                                                        ÇA Y EST ! (BIS)

À la clinique, une mauvaise surprise les attend : le vieux docteur Shaïm, qui a suivi Rose pendant sa grossesse, s'est cassé la jambe. Son remplaçant ne parle pas un mot de français, de sorte qu'Amir se voit dans l'obligation de jouer les interprètes.
— Le médecin veut t'ausculter, dit-il à Rose, en lui indiquant la table d'examen.
— Tu restes avec moi ?
— Non, il préfère pas. Je t'attends dans le couloir. Courage, mon amour !
Rose, désemparée :
— Mais… comment je vais comprendre ce qu'il me raconte, si tu t'en vas ?
Dans l'affolement, ses vagues notions d'arabe se sont évaporées ; elle se sent aussi perdue qu'un cosmonaute échoué sur une planète lointaine. Si c'était en son pouvoir, parole d'honneur, elle refuserait d'accoucher dans de telles conditions. Mais on ne retient pas un bébé contre son gré, et le sien, de toute évidence, est mûr pour le grand saut. Les contractions qui se succèdent à un rythme soutenu ne laissent aucun doute là-dessus.
— Je ne m'éloignerai pas, assure Amir qui n'en mène pas large. Si tu flippes, appelle-moi.
Il s'éclipse à regret. Avec un soupir fataliste, Rose se déculotte, se hisse sur la table, glisse ses pieds dans les étriers. Encore heureux qu'elle ait déjà pratiqué cet exercice, du temps de Grégoire ! Dans les circonstances présentes, rien ne lui semblerait pire que l'inexpérience.
Après un rapide contrôle, le médecin lance un ordre à une infirmière. Celle-ci acquiesce puis, débloquant la table sur roulettes,  la pousse vers la pièce voisine.
— Où m'emmenez-vous ? interroge Rose.
Dans la salle de travail.
(Ah ! elle comprend le français.)
— Mon mari peut m'accompagner ?
—  Certainement pas. Ce n'est pas la place d'un homme.
— Pourquoi ? Il n'a pas le droit de rester pendant mon accouchement ?
— Bien sûr que non. Imaginez le spectacle que vous risquez de lui offrir !
Euh…
Vous voulez le dégoûter de vous ?
Une contraction particulièrement violente diffère de quelques secondes la répartie — cinglante ! — de Rose, temps que met l'infirmière à profit pour la véhiculer là où elle doit aller. Lorsque, ayant repris son souffle, Rose est à nouveau en mesure de s'exprimer, elle se trouve sous le feu d'un projecteur chirurgical.
— Je veux mon mari, insiste-t-elle.
Haussement d'épaules irrité de l'infirmière.
— C'est une idée fixe, ma parole !
— En Belgique, les hommes tiennent toujours la main de leur femme pour l'aider à pousser. En plus, j'ai besoin de lui comme traducteur.
— Ça, je m'en chargerai.
Devant tant d'obstination, Rose sent la moutarde lui monter au nez. Une colère grandiose enfle en elle. Mais une vraie, hein. Vraie de vraie. Une putain de colère de tonnerre de Brest !
— Amiiiiiiir ! AMIIIIIIIIR ! beugle-t-elle, de toute la force de ses poumons.
— Docteur, vite ! hurle l'infirmière.
Le médecin se précipite, et arrive juste à temps pour recevoir l'enfant, éjecté par l'ire maternelle. Simultanément, Amir accourt, bouscule l'infirmière qui tente de s'interposer, et assiste en direct à l'expulsion de son fils.
C'est un très grand moment. Un moment d'émotion indicible. Amir embrasse Rose en pleurant, Rose murmure : « C'est un garçon ? Il a bien tout ?», et Olivier pousse son premier cri. 
Il est minuit pile.


Note du Castor : 
(L'image d'en-tête est en fait une photo de Rose avec Grégoire, prise en 1965. Elle n'est là que pour célébrer la beauté du moment.)

Bonus : les coms de janvier 2014





3 commentaires:

  1. Quant à savoir si Olivier a bien tout, on se demande, hein, quand on voit ses vidéos ! :-)))
    Nan, Olive, pas sur la fontanelle, t'as pas le droit... aïeeeuh !

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  2. Gudule, elle fait pas les choses à moitié, d'abord !

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