ADIEUX
— Alors, il est comment, cet appartement ? s'enquiert la tante Ida sitôt que Rose raccroche.
— Un trois pièces, rue de la Goutte d'or, à Aubervilliers.
— Ah ? Pas à Paris ?
— Juste à côté : dès qu'on franchit le périphérique, les loyers sont moitié moins chers pour le double de surface.
— Petit bal d'Aubervilliers… On chantait ça, dans ma jeunesse. Tu t'installes quand ?
—
Le plus vite possible. Le bail démarre le 15, donc, logiquement, le 16,
je serai dans mes murs. J'ai tellement attendu ce moment.
Elle attrape Olivier qui rampait à ses pieds, le fait sauter dans ses bras.
— On a une maison à nous, mon lapin !
— Avec un zardin ? demande Grégoire.
— Faut rien exagérer. Les jardins, tu sais, à Paris…
— Ze veux un zardin, insiste Grégoire.
— Comme chez Dida ?
Hochement de tête vigoureux.
— Tu n'as qu'à rester ici, avec moi, dit la tante.
Grégoire fronce les sourcils en se demandant si c'est du lard ou du cochon, puis interroge sa mère du regard.
— Mais c'est qu'elle me kidnapperait mon fils, cette "brigande" ! s'esclaffe Rose.
— Que veux-tu, le mien est si loin…
*
Et vient l'heure des adieux.
— C'est Étienne qui te conduit au train ? interroge tante Ida.
— Non, j'ai appelé un taxi.
— Ça va te coûter les yeux de la tête.
— Tant pis. Je préfère garder mes distances, tu comprends. Tu lui diras au revoir de ma part ?
Rose
ne le reverra jamais : ses études terminées, Etienne partira pour le
Liban en guerre avec "Médecins sans frontières", et y sera tué. À tort
ou à raison, elle s'en sentira toujours responsable.
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