jeudi 8 décembre 2016

LE BEL ÉTÉ 57




















                                  
                                                  LE CARNAVAL DES OBSESSIONS

         La reprise du traitement, quelques semaines plus tard, se solda par un herpès qui changea mon visage en une face de mérou. Même embrasser Castor devenait une épreuve. Pour lui, je veux dire. Moi, dès qu’il s’approchait, je me planquais derrière mon écharpe, alors que je n’avais  qu’une envie : me fourrer dans ses bras. Mais mon inconscient était aux commandes, et contre ça, nul ne peut rien.
         «  Cesse de te fustiger, tête de mule ! me houspillais-je  sans cesse. Tu n’as rien fait de mal ! Et quand bien même tu serais coupable de je ne sais quoi, la justice immanente, c’est des trucs de gourou »
         Et d’évoquer les « Contes à vomir debout » ( dont c’était l’un des thèmes récurrents), que je publiais jadis, dans la presse underground des années quatre-vingts. 

         Pour mémoire, voici un mini-texte extrait de la revue « Lard Frit » et repris en carte postale par la librairie Ailleurs, de Toulouse :

                                    




                                                                    SOMATISMES

         Je sirotais tranquillement mon apéro au comptoir chez madame Irène quand ma copine Marylin se pointe en coup de vent.
         Toute contente, je lui lance :   
             — Qu’est-ce que tu prends, ma grande ? Un blanc-cass, comme d’hab’ ?
Au lieu de me répondre, elle s’envoie une baffe magistrale.
— Non mais, ça va pas ? m’écriai-je, ahurie.
— J’y suis pour rien, proteste-t-elle, c’est psychosomatique.
 — Pardon ?
  — La culpabilité inhérente au conditionnement judéo-chrétien, t’as déjà entendu causer ? 
— Euh…
              — En gros, mon corps me fait payer chacune de mes fredaines.
 — Quel genre de fredaines ?
               — Tout ce qui est contraire à ce qu’on m’a inculqué lorsque j’étais petite.
               Ah, cette fois, je crois que je commence à comprendre…
               — Tu veux dire que la gifle, tu ne te l’es pas donnée exprès ?
  — Non, non : je venais de piquer un tube de rouge à lèvres au Monoprix et ma main n’a pas supporté d’être complice d’un vol. Elle s’est vengée à sa manière, et je peux t’assurer qu’elle a tapé fort, la salope ! J’en ai la mâchoire tout endolorie !        
                — Et les autres parties de ton organisme ?
   — Idem. Tiens, tu te souviens, l’autre soir, quand on s’est maté le film X de Canal + ? Eh bien, le lendemain, j’avais une méga conjonctivite, même que j’ai dû porter des lunettes noires pendant huit jours.
— Oups ! Et ta vulvite du mois dernier ?
— Ça, c’est parce que je me suis farci Jean-Philippe au lieu de rester au chevet de ma vieille tante malade.
         Moi, j’en revenais pas. Des révélations pareilles, ça vous flanque un méchant vertige métaphysique. Face au grand mystère du fond de nos têtes, on est  bien peu de chose, ma bonne dame…




Dessin de Gudule dans "Lard frit" n° 3 de juin 1982.

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