mardi 4 octobre 2016

ROSE 156















   
        DIOUF


— Je monte cinq minutes chez moi, dit Mme Irène. Tu jettes un coup d'œil sur Béchir ?
Maintenant que Rose est son employée, elle la tutoie. Rose, non ; privilège de l'âge.
Ne vous en faites pas pour lui, Olivier le surveille.
Rien n'est plus vrai : le bambin et le petit homme sont devenus inséparables. Et se comprennent par signes —si ce n'est par télépathie. 
Rose encaisse la consommation du gros François, débarrasse la table de Zabelle qui vient de partir ­—en oubliant, comme toujours, de payer — et, bien que ni Olivier ni Béchir ne soient en mesure de lui répondre, elle remarque tout haut :
— Ça ne se bouscule pas au portillon, aujourd'hui.
Au même instant entre un Africain d'une douzaine d'années.
Bonjour, dit Rose, qu'est-ce que tu prends ?
Une bière, répond le gamin.
À ton âge ? s'étonne Rose.
— Occupe-toi de tes fesses. T'es là pour me servir, alors, tu me sers et tu la boucles.
            — Je n'ai pas le droit de vendre d'alcool aux mineurs, objecte Rose.
Du doigt, elle lui indique le règlement, affiché derrière elle. 
 Regarde, c'est écrit là.
Pétasse, siffle le gamin.
Et il lui balance une gifle magistrale.
Le temps que Rose, suffoquée, se remette de sa surprise, il a pris la poudre d'escampette.
Mme Irène, redescendant au même moment, la reçoit en larmes dans ses bras.
— Allons, allons, ce n'est rien, c'est le métier qui rentre, assure-t-elle avec philosophie tandis que Rose, d'une voix entrecoupée, lui narre l'incident.
Puis, s'adressant à son mari :
Tu as vu qui c'était ?
Béchir hoche la tête et répond dans un sabir que Rose ne comprend pas.
— Le petit Diouf ? s'écrie Mme Irène. Ça ne m'étonne pas de lui : c'est un des voyous de la cité d'en face. Ils sont toute une bande. L'an dernier, ils s'amusaient à cracher sur ma vitrine. Alors un jour, j'en ai chopé un et je lui ai tiré les oreilles. Il l'a senti passer, je te prie de le croire ! D'ailleurs, après, ils se sont tenus à carreaux…
En tout cas, il m'a fait mal, pleurniche Rose.
Regard apitoyé de Mme Irène.
— Retourne chez toi, va, je fermerai. Tu as eu assez d'émotions pour aujourd'hui.
Rose ne se le fait pas répéter. Mais avant de sortir, elle regarde longuement à droite et à gauche si la voie est libre. Des fois que Diouf traînerait encore dans les parages…

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