dimanche 30 octobre 2016

LE BEL ÉTÉ 18




















                                                               DANS LES VAPES

                  J’étais assise derrière une pile de « Truc », mon dernier roman paru chez Rivière Blanche. Et tandis que les visiteurs me tendaient leur exemplaire, je sentais, malgré moi, ma tête s’alourdir, et mes paupières devenir de plomb.
                  Par chance, à chaque fois que je fermais les yeux, une pression sur la cuisse me rappelait à l’ordre ; Castor veillait.
                   — Gudule, les gens attendent…
                  Durant une fraction de seconde, les rêves désertaient mon esprit pour revenir en masse, sitôt la signature torchée.
                  Arriva le moment du débat public dont le thème était, si je me souviens bien : « lecture-frisson, lecture-plaisir ». Il se déroulait dans l’un des deux Magic-Mirrors (constructions foraines en bois enluminé et verre couleur, louées pour l’occasion et installées dans le parc  paysager qui servait de cadre au festival.) Nombre de mes amis y participaient, ce qui aurait dû, en toute logique, me stimuler, mais ne contra pas mon irrépressible envie de dormir. Au point que l’animateur finit par me lancer, sur un ton ironique :
                  — Gudule, reviens parmi nous ! Tu es dans la lune ou quoi ?
                  — Peut-on reprocher à un écrivain d’être dans la lune quand il y puise son inspiration ? eus-je (je ne sais comment) l’à-propos de répondre.                           
                  La salle s’esclaffa.



























                   Castor, qui, installé au premier rang, ne perdait pas une miette de mes rares interventions, m’assura que je n’avais ni bafouillé, ni semblé perdre le fil de mes idées.
                  — Tu n’étais juste pas là, conclut-il.
                  Alors, moi, égrillarde :
                  — Forcément : chuis crevée. Faut que je récupère. Que dirais-tu d’une petite sieste ?
                  Il n’avait rien contre. Fuyant le repas collectif et bruyant, nous réintégrâmes donc le silence de nos draps blancs. Si la chose m’enchantait pour les raisons susdites, je pense que les motivations de Castor étaient tout autres. Au moins, entre ses bras, je ne courais aucun risque. Il pouvait enfin relâcher son attention,  et cesser de scruter anxieusement la foule dès que je m’éloignais. Cajoler une femme, c’est bien moins épuisant que de la protéger contre le monde entier — y compris elle-même.

                   Par chance, hormis d’éventuelles dédicaces (en horaire libre), je n’avais rien de prévu cet après-midi-là. De sorte que la journée s’acheva en farniente.


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