vendredi 21 octobre 2016

LE BEL ÉTÉ 9




















                                                   FAITS D’HIVER


         Sylvain mourut le 2 janvier,  inaugurant une véritable ère glaciaire. L’hiver 2013, qui avait débuté en octobre — chose rarissime dans le Sud-Ouest où les arrière-saisons sont d’ordinaire clémentes — semblait ne jamais devoir s’arrêter. Février, mars, puis avril,  battirent tous les records d’intempéries de ces dix dernières années. « Le temps est en harmonie avec mes états d’âme » me disais-je, tandis que la tempête battait les vitres, transformant le paysage en une litho de Dürer : ciels tourmentés, carcasses d’arbres tordues par l’ouragan, éclairs aveuglants, sombres horizons.
                  Histoire d’être moins seule, je guettais les messages de Castor Tillon, toujours fidèle au poste, si bien que nous prîmes l’habitude de passer nos soirées à chatter sur l’écran. On s’envoyait des morceaux de musique, des extraits de films, des confidences, parfois. Et, bien sûr, des bons mots. Vers minuit, nos adieux s’agrémentaient de « bisous » tarabiscotés, dans toutes les polices disponibles sur le Net ; c’était à qui posterait les plus spectaculaires, et, vu mon incurie informatique,  il gagnait toujours. Durant les mornes semaines où, recluse chez moi, je tentais en vain d’écrire, de lire, de me gaver de vieux feuilletons pour contrer l’absence de Sylvain,  ces rendez-vous virtuels  prirent petit à petit une importance primordiale. Ils étaient, comment dire ? ma bouffée d’oxygène, mon repère, mon point d’appui. Mon p’tit rayon de soleil dans la grisaille ambiante.


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