samedi 22 octobre 2016

LE BEL ÉTÉ 11



















 
 
                               QUINZE JOURS DÉLICIEUX
        
                  Oui, délicieux, je persiste et signe. Une sorte de deuil buissonnier. Nous discutions de tout, de rien, de pas grand-chose, sans que, par un accord tacite, il soit jamais question des douleurs qui précèdent. Castor ne pratiquait pas l’apitoiement  pesant ; je l’en ai béni maintes fois. En revanche, j’eus  plus de fous-rires, pendant ce petit  break, que durant, sans doute, tout le reste de ma vie.
                  Entre deux averses, nous allions rendre visite à mes petits-enfants, Maya et Alix, qui avaient adopté d’emblée ce grand-père intérimaire  au surnom de rongeur, toujours prêt à les faire sauter sur ses genoux ou à leur jouer un air de guitare. Nous fîmes, avec eux et ma fille Mélanie, quelques mémorables balades en forêt, dans une humidité à couper au couteau, et de rares piqueniques sur les espaces verts qui agrémentaient le village.
                  Généralement chassés par l’ondée, on courait tous se réfugier au Roc café où l’aventure s’achevait devant un chocolat brûlant.
 
                  Le soir, notre tête-à-tête au coin du feu se prolongeait souvent très tard, et pour cause : à notre insu — ou pas ; se targuer d’innocence à soixante ans passés  serait du dernier grotesque —, le désir avait fait son apparition. Mais même sous la torture, ni l’un ni l’autre ne l’aurait avoué. Outre sa grande pudeur, Castor, j’imagine, ne se sentait pas le courage d’étreindre une brûlée vive. Quant à moi,  si j’avais osé un geste, un mot déplacé, j’aurais eu l’impression de profaner un cimetière. Nous nous quittions donc sur un chaste « bonne nuit » avant de gagner chacun notre chambre, un peu penauds mais la conscience en paix.
 
— Toi, tu t’es encore fait du cinéma et tu ne l’assumes pas, me grondait gentiment ma fille, le lendemain matin, en me voyant promener mes chiens, l’air déconfit.       
Du cinéma, oui, oh que oui ! Sur l’écran noir de mes nuits blanches…
 




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