dimanche 6 novembre 2016

LE BEL ÉTÉ 25



















                                                                  LE GRAND FLIP


         Ce fut au lever du jour, perceptible par la fenêtre où, lentement, les ombres nocturnes se diluaient, qu’un doute horrible me saisit. Le côté gauche de ma bouche était paralysé. J’avais beau essayer de grimacer, de sourire, les muscles de la commissure restaient inertes. Transie jusqu’aux os, je voulus appeler l’infirmière de garde, mais la sonnette avait glissé entre la table de chevet et le lit ; sans lunettes, j’étais incapable de la récupérer. Il me fallut donc attendre que le personnel de service débarque de lui-même, une bonne heure plus tard. Heure que, bien entendu, je mis à profit pour flipper un max. Déjà qu’on m’avait rasé un demi-crâne et que la chimio allait se charger du reste ; si, en plus, j’étais défigurée…
         L’arrivée d’une stagiaire m’extirpa, par bonheur, de mon cauchemar éveillé.
         — S’il vous plaît, regardez-moi bien, suppliai-je. Mon visage n’est pas déformé ?
         Elle m’assura que non. Méfiante, je réclamai un miroir ; comme il n’y en avait pas, elle me photographia avec son téléphone. Bien que je ne pusse apercevoir qu’une vague forme sur l’écran, ce geste complaisant me rassura quelque peu. Ce qui ne m’empêcha pas de guetter les visites sur des charbons ardents.
         Castor et Olivier, accourus aussitôt qu’on leur donna le feu vert,  confirmèrent : hormis le gros pansement qui m’enturbannait (et sur lequel les infirmières, par facétie, avaient enfilé une sorte de chapeau de shtroumpf en coton bleu), j’avais ma tête habituelle. J’en profitai pour refuser la pompe à morphine : je préférais douiller physiquement que moralement.  Tout compte fait, c’était plus supportable…



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un chtit mot