mardi 20 septembre 2016

ROSE 142























    RICCO (SUITE)


Comment décrire l'euphorie des retrouvailles ? Il n'y a pas de mot pour exprimer ce que ressent Rose. Ricco, en cet instant, n'est plus un copain ou un ex, c'est le soleil du Liban dans la grisaille d'Aubervilliers.
L'on se congratule mutuellement :
Tu as l'air en pleine forme.  Et ce bronzage !
Toi, tu es de plus en plus jolie.
Arrête !
— C'est fou ce que Grégoire a grandi. Un vrai abadaye* ! Et Olivier, il marche ? 
Presque…
Il serait temps, dis donc : à un an et demi. 
— Voilà plusieurs mois qu'il fait des tentatives, mais il a la trouille. Par contre, pour ce qui est de courir à quatre pattes… !
Le grand rire éclatant de Ricco emplit la pièce :
— Il te ressemble de plus en plus, Amir. Dans quelques années, ce sera la coqueluche des filles.
Puis, sans transition :
Y a un resto sympa, dans le coin ?
En toute honnêteté, Rose et Amir l'ignorent. Ils n'en ont expérimenté aucun, ce genre de luxe n'étant pas à leur portée.
Malèch*, dit Ricco, on en prendra un au hasard.
D'autorité, il les embarque dans sa voiture.
— De location, précise-t-il. Mais je compte bien m'en acheter une d'ici peu. Comment faites-vous pour vous en passer ? Moi, je ne pourrais pas.
Petit rire amer d'Amir :
Si tu m'en offres une, je ne dirai pas non.
            — Chiche ! s'esclaffe Ricco. Quand je m'en irai, je te laisserai la mienne.
Il roule cinq cents mètres et stoppe devant une gargote, avenue de Flandres.
Allez, hop, ce boui-boui fera l'affaire. Je suis affamé, moi !
Le menu est excellent, les enfants (relativement) sages. Même Amir a retrouvé son sourire.
Ils mangent comme des ogres et, en partant, Ricco laisse un généreux pourboire sur la table — que Rose ramasse en douce, dès qu'il a le dos tourné.


* Abadaye : costaud
* Màlech : pas grave

                                              *

À partir de ce jour, la cité universitaire devient leur but de promenade et le resto U*, leur cantine. Ricco, en effet, leur procure des tickets — théoriquement réservés aux étudiants — qui mettent le repas à deux francs soixante-quinze, café compris. Moins cher qu'à la maison. Dès lors, plusieurs fois par semaine, ils se retrouveront tous trois (trois et demi, avec Olivier) porte d'Orléans, pour déjeuner ensemble dans l'infernal chahut de l'immense réfectoire. Ce qui améliorera nettement l'ordinaire d'Amir et Rose, tout en leur permettant de faire des économies.
En revanche…
En revanche, Amir et Ricco prendront peu à peu l'habitude de sortir, le samedi soir. TOUS les samedis soirs. Laissant Rose en rade avec les enfants. 
Mais bah, elle en profitera pour écrire.
Un livre pas gai.
Pas gai du tout.
Les livres ne sont-ils pas le reflet des états d'âme de leurs auteurs ?


         *Restaurant universitaire                                          



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