ÉTRANGES RETROUVAILLES
Dans la cuisine flotte un réconfortant parfum de thé à la menthe.
— Assieds-toi, dit Omane, en versant le liquide chaud dans les tasses. Et raconte-nous.
Rien,
dans son attitude, ne laisse supposer de quelconques retrouvailles.
Elle se comporte comme si elles s'étaient vues la veille — alors que
depuis dix mois, elle vit en recluse. En revanche, elle a beaucoup
maigri. Son corps sculptural est devenu longiligne, ses joues se sont
creusées. Deux rides, joignant les ailes du nez aux commissures des
lèvres, encadrent une bouche curieusement flétrie.
Rose
s'exécute de bonne grâce. Parler la soulage. Elle n'omet rien : ni
l'extrême amitié qui l'a liée à Mona, les premiers temps, ni le lent
basculement de la situation, ni les circonstances de sa prise de
conscience, ni les scrupules qui ont suivi. Elle en rajoute, même, se
charge un maximum, trouve à "la malheureuse" une foule de circonstances
atténuantes. Et finit par avouer, en s'effondrant en larmes, qu'elle est
bourrelée de remords.
—
Si j'avais été plus vigilante, Bébête ne serait pas morte,
hoquette-t-elle. Amir a raison quand il me traite de godiche. Même en
croyant bien faire, je ne commets que des bourdes.
—
Cesse donc de te fustiger, tu n'es pas seule en cause, coupe sèchement
Omane. Rien de tout cela ne serait arrivé si je t'avais soutenue,
pendant l'absence de ton mari.
C'est sa première parole de regret.
Ce sera la seule.
*
Il est presque trois heures quand Rachad se décide à lever la séance.
— Allez, au lit ! Je bosse, moi, demain.
Épuisée
par toutes ces émotions, Rose gagne en bâillant la petite chambre aux
murs chaulés — celle-là même où, il y a un peu plus d'un an, elle se
remettait de ses déboires avec Isis, et que peuplent, à présent, les
souffles paisibles de ses deux enfants. Et, sitôt couchée, sombre dans
un trou noir.
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