jeudi 7 juillet 2016

ROSE 69

 


                  LES AFFRES DE LA SOLITUDE

Lorsque Mona rentre chez elle, il est presque minuit. En sa compagnie, Rose n'a pas senti le temps passer. Tandis que l'une s'occupait des enfants, l'autre vaquait dans la maison (et réciproquement), si bien que les tâches ménagères, d'ordinaire contraignantes, lui ont semblé légères — presqu'agréables, à la limite. Ensuite, une fois Grégoire et Olivier couchés, elles ont dîné en papotant, pour finir la soirée devant un "café blanc"*, chacune un animal sur les genoux.
C'est après qu'un cafard monstre s'abat sur Rose. Lorsqu'elle se retrouve à nouveau seule.
« À cette heure-ci, Amir doit être arrivé à Bruxelles », pense-t-elle.
Et de l'imaginer lui, l'être autour duquel elle a bâti son existence, dans cette ville dont on l'a exilée, elle se sent doublement trahie.
Durant toute la journée, la chaude présence de Mona a littéralement gommé Amir de son esprit. Elle ne sentait plus rien, ni le déchirement de la séparation, ni la peur des interminables semaines à venir ; juste un confortable engourdissement, un peu comme l'Aspirine annihile la migraine. Mais là, le médicament a cessé de faire effet et la douleur se réveille, plus virulente que jamais…
L'état de "manque" — car l'amour est une drogue à accoutumance, n'est-ce pas ? — atteint son paroxysme lorsque Rose se couche. Leur lit, ce cocon où d'ordinaire ils se lovent à deux, lui semble soudain si hostile, si froid…
Et que dire de cet oreiller vide à côté du sien ?
« Si j'étais peintre, pense-t-elle, c'est ainsi que je représenterais la solitude : un oreiller vide. »
Et ses larmes montent, car la forme d'une nuque familière creuse, imperceptiblement, le renflement de plume.
Bref, toutes les conditions sont requises pour une nuit d'insomnie — ou de cauchemar, au choix. En plus, comble du comble, la maison craque…
Ce sont des détails qu'on ne perçoit pas lorsqu'on dort à deux. Pas plus qu'on ne redoute les dangers nocturnes, réels ou imaginaires. Mais seule, oh, seule…

                         
* Café blanc : eau chaude parfumée à la fleur d'oranger, que l'on boit avant d'aller se coucher pour favoriser le sommeil


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un chtit mot