Les paroles écrites par Gaby Askar sont d'une consternante niaiserie, et commencent ainsi :
D'aéroport en aéroport
J'ai rêvé toujours
J’ai rêvé encore,
De toi que j’adore,
Mon amour,
Mi amor.
«
Il nous fait quoi, la prochaine fois ? pense Rose, atterrée. De gare en
gare? D'autoroute en autoroute ? De station spatiale en station
spatiale ? »
Néanmoins — diplomatie oblige — elle feint d'apprécier.
— Très joli, mais…
Le chanteur fronce les sourcils. À l'évidence, ce "mais" lui déplaît.
« Danger ! se dit Rose. La Bête est susceptible, ménageons-la. » Et, habilement, elle susurre :
— … à mon avis, ça ressemble un peu trop au texte de Serge Lama. Il risque d'en prendre ombrage et de vous accuser de plagiat.
Bien joué : le chanteur, flatté, se détend.
— Nous avons la même sensibilité, lui et moi, admet-il.
—
J'avais remarqué, approuve Rose, imperturbable. Mais ça ne vous empêche
pas, tout en restant dans un genre assez proche, de créer votre propre
style. D'ailleurs, j'ai apporté un petit texte dans cet esprit…
Ton corsage est fermé sur un beau paysage
De collines, de prés et de sources sauvages
Mes mains y font leur nid comme deux oiseaux tristes
Et s'envolent sans bruit le long des douces pistes.
Sein de femme et sein de fleur
Ont toujours même couleur…
Le thème de l'amour charnel est dans l'air du temps. Au pays de ton corps chantera, un an plus tard, Catherine Le Forestier, tandis que Johnny hurlera Que je t'aime, que je t'aime, que je t'aime, suivi de près par Jean Ferrat, brâmant plus discrètement : Je vous ai-aime, je vous ai-aime.
Gaby Askar ne cache pas son enthousiasme.
— Des paroles de cette trempe, c'est le succès assuré, estime-t-il.
Le voilà déjà qui fredonne, improvise. Cherche une ligne mélodique.
— Tu
vois Amir, il me faudrait là-dessus une musique caressante, tout en
demi-teinte ; une musique de chambre à coucher… (petit rire égrillard
auquel se joint l'assistance ) qui mette les vibratos de ma voix en
valeur.
— C'est comme si c'était fait, répond Amir.
—
Quant à toi, Rose, au boulot ! Désormais, tu es ma parolière attitrée.
J'ai besoin d'une douzaine de chanson pour dans… disons un mois. Tu
crois que c'est possible ?
— Pas de problème, dit Rose qui n'en espérait pas tant.
Lorsqu'elle rentre chez elle, juste à temps pour la tétée de neuf heures, elle a des ailes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un chtit mot